[Tribune] : « Réflexion sur la proposition de loi Tshiani » (Mise au point), Dede Watchiba

Redaction

2 Mai 2023 - 10:47
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[Tribune] : « Réflexion sur la proposition de loi Tshiani » (Mise au point), Dede Watchiba

En faisant suite à ma dernière réflexion sur la proposition de loi «Tshiani », qui a suscité une certaine levée de boucliers de la part des partisans de Mr Noel Tshiani, je voulais m’en excuser puisque cela n’était pas mon intention. Comme chercheur en science politique et en Droit public, j’ai voulu juste apporter ma modeste contribution en essayant d’évaluer la portée scientifique de la pertinence de la solution proposée par Mr Tshiani pour régler le problème « d’infiltrations étrangères ».

Je ne nie pas ce problème public mais je conteste la démarche et la pertinence de la solution proposée en m'appuyant sur une approche épistémologique et non idéologique et fanatique. Je ne suis membre d’aucun parti politique et je ne me reconnais derrière aucun leader politique congolais.

Sur le plan pédagogique, la meilleure manière pour régler un problème public en sciences politiques (et en nouveau management public) est d’identifier le problème, de formuler une politique publique pour y répondre, de l’adopter, de la mettre en œuvre et de l’évaluer pour s’assurer de son efficacité.

Le modèle séquentiel de politiques publiques est un cadre d’analyse pour comprendre comment les problèmes publics sont résolus. Voici un résumé de la meilleure manière pour régler un problème public selon ce modèle :

1. Identification du problème

le premier stade consiste à identifier le problème public, c’est-à-dire à déterminer qu’il y a un problème qui nécessite une intervention publique. Il est important d’analyser les différentes dimensions du problème et de comprendre les causes profondes.

2. Formulation de la politique

Une fois que le problème a été identifié, il est nécessaire de formuler une politique pour y répondre. Cela implique de définir des objectifs clairs et des stratégies pour les atteindre. Il est important de prendre en compte les différentes options politiques et techniques disponibles et d’analyser les avantages et les inconvénients de chacune.

3. Adoption de la politique

Une fois que la politique a été formulée, elle doit être adoptée par les autorités compétentes. Cela peut impliquer l’adoption d’une loi ou d’un règlement, ou la mise en place de politiques administratives.

4. Mise en œuvre de la politique

Une fois que la politique a été adoptée, elle doit être mise en œuvre. Cela implique de déterminer les ressources nécessaires, de mettre en place les structures nécessaires et de définir les procédures pour assurer une mise en œuvre efficace. En RDC, cette étape pose souvent des problèmes puisque la plupart des lois sont restées lettre morte. Par exemple, la loi actuelle sur la nationalité n’est pas respectée sur terrain.

5. Evaluation de la politique

Enfin, il est important d’évaluer la politique pour déterminer si elle a atteint les objectifs fixés. Cela implique de mesurer les résultats obtenus, d’analyser les coûts et les avantages, et de déterminer les leçons à tirer pour les politiques futures.

Vouloir donc régler le problème « d’infiltrations étrangères » en RDC par une proposition de loi qui réserve les « fonctions de souveraineté » aux « congolais de père et de mère » ne résiste pas aux exigences de la rationalité puisque l’étape de l’identification du problème n’a pas été bien respectée. Il fallait bien analyser les causes profondes des infiltrations étrangères avant de formuler une politique publique appropriée.

L’Histoire du Congo nous renseigne que jusque-là la plupart des présidents de la République n’étaient que de père et de mère congolais. Cela n’a pas empêché les infiltrations étrangères.

Par contre, plusieurs Etats dans le monde ont des dirigeants dont les parents ne sont pas de « père et de mère » , c’est-à-dire des nationalités différentes. C’est le cas même de plusieurs royaumes. Et pourtant, le problème d’infiltration étrangère ne se pose pas dans ces pays avec beaucoup d’acuité.

Voici quelques exemples des monarques dont les parents sont d’origine étrangère par rapport à leurs royaumes :

1. Le roi Philippe de Belgique : né en Belgique, il est le fils du roi Albert II de Belgique et de la reine Paola, une princesse italienne.

2. Le roi Charles du Royaume-Uni : ses parents sont la reine Elizabeth II et le prince Philip, duc d’Edimbourg. Le prince Philip est né dans une famille royale grecque et danoise. Son père, le prince Andrew de Grèce et de Danemark, était le fils du roi George 1er de Grèce, tandis que sa mère, la princesse Alice de Battemberg, était la petite fille de la reine Victoria du Royaume-Uni. Il est intéressant de noter que la famille royale britannique a des origines diverses, avec des ancêtres venant de différents pays européens. Par exemple, la reine Elizabeth II a des ancêtres allemands, danois et Ecossais. Cette diversité reflète l’histoire mouvementée de l’Europe.

3. Le roi Harald V de Norvège : né en Norvège, il est le fils du roi Olav V de Norvège et de la princesse Martha de Suède, une princesse suédoise.

4. La reine Sonja de Norvège : née en Norvège, elle est la fille d’un marchand norvégien et d’une mère norvégienne d’origine allemande.

5. Le roi Carl XVI Gustaf de Suède : né en Suède, il est le fils du prince Gustaf Adolf de Suède et de la princesse Sibylla de Saxe-Coburg et Gotha, une princesse allemande.

6. La reine Silvia de Suède : née au Brésil, elle est la fille d’un homme d’affaires allemand et d’une mère brésilienne d’origine allemande.

7. Le roi Abdullah II de Jordanie : né en Jordanie, il est le fils du roi Hussein de Jordanie et de la princesse Muna al-Hussein, une Britannique d’origine égyptienne.

8. La reine Rania de Jordanie : née en Koweït, elle est la fille d’un médecin palestinien et d’une mère jordanienne.

9. La reine Maxima des Pays-Bas : née en Argentine, elle est la fille d’un homme d’affaires argentin d’origine italienne et d’une femme d’origine espagnole.

10. La reine Letizia d’Espagne : née en Espagne, elle est la fille d’un journaliste espagnol et d’une mère d’origine mexicaine.

11. La reine Sofia d’Espagne : née en Grèce, elle est la fille du roi Paul 1er de Grèce et de la reine Frederika, une princesse allemande.

Voici quelques exemples de la situation en Afrique :

1. Ellen Johnson Sirleaf : Ellen Johnson Sirleaf est née le 29 octobre 1938 à Monrovia, au Libéria. Son père, Jahmale Carney Johnson, était un avocat et juge libérien d'ascendance allemande. Sa mère, Martha E. Johnson, était une enseignante et commerçante ghanéenne. Ellen Johnson Sirleaf a été la première femme élue présidente en Afrique.

2. Jerry Rawlings : Jerry Rawlings est né le 22 juin 1947 à Accra, au Ghana. Son père, James Ramsey John, était un Écossais, tandis que sa mère, Victoria Agbotui, était une Ghanéenne de la tribu Ewe. Jerry Rawlings est entré dans l'histoire en organisant un coup d'État militaire en 1979, avant de devenir le président démocratiquement élu du Ghana en 1992.

3. Ahmed Sékou Touré : Ahmed Sékou Touré est né le 9 janvier 1922 à Faranah, en Guinée. Son père, Alpha Touré, serait un Malien musulman, tandis que sa mère, Aminata Maïga, était une Guinéenne d'origine malienne. Ahmed Sékou Touré a dirigé la Guinée vers l'indépendance en 1958, avant de devenir le premier président de la République de Guinée.

4. Kenneth Kaunda, ancien président de la Zambie, est né le 28 avril 1924 à Chinsali, en Zambie. Son père, David Kaunda, était un pasteur et enseignant zambien. Sa mère, Helen Kaunda, était une Zambienne d'origine malawienne.

5. Joaquim Chissano : Joaquim Chissano a été le président du Mozambique de 1986 à 2005. Il est né à Malehice, au Mozambique. Ses parents étaient tous deux d'origine portugaise et faisaient partie de la communauté portugaise du Mozambique, une population importante dans le pays à l'époque coloniale. Le père de Chissano, João Baptista Chissano, était un commerçant d'origine portugaise, tandis que sa mère, Josefa Muthemba, était une Mozambicaine d'origine portugaise. Joaquim Chissano a été l'un des dirigeants clés du mouvement de libération du Mozambique qui a conduit à l'indépendance du pays en 1975.

6. Blaise Compaoré : Blaise Compaoré a été le président du Burkina Faso de 1987 à 2014. Il est né à Ouagadougou, au Burkina Faso, mais sa mère était d'origine malienne et son père était d'origine mossi.

7. Hery Rajaonarimampianina : Hery Rajaonarimampianina a été le président de Madagascar de 2014 à 2019. Il est né à Bako, à Madagascar, mais sa mère était d'origine française.

8. Ahmed Ben Bella : Ahmed Ben Bella a été le premier président de l'Algérie, de 1963 à 1965. Il est né à Maghnia, en Algérie, mais sa mère était d'origine marocaine.

Ces exemples montrent la diversité des origines des parents des dirigeants et la manière dont cela peut refléter l’histoire et les liens internationaux des différents pays.

Dede Watchiba, Professeur d’Universités, Chercheur et Analyste politique.

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