[Tribune] : « Congo Bashing et notre responsabilité» (Dede Watchiba)

Quand je parle avec des amis burundais et rwandais, je suis souvent étonné par le dénigrement qu’ils affichent vis-à-vis de la RDC, mon pays. Ils croient me faire plaisir quand ils me disent « toi Dédé, tu es un congolais différent » !! Ils oublient souvent que c’est grâce à la RDC que le Rwanda et le Burundi ne parlent pas aujourd’hui l’allemand. C’est la Force publique congolaise qui a libéré le Rwanda et le Burundi du joug colonial allemand pendant la première guerre mondiale.

Subissant les bombardements allemands sur les villes riveraines du lac Tanganyika et notamment le port d’Albertville (actuelle Kalemie), la Force publique congolaise répliqua le 18 avril 1916 et s’empara de Kigali le 6 mai 1916. Un mois plus tard, la ville d’Usumbura  (Bujumbura aujourd’hui) au Burundi, tombait face à la supériorité militaire de la Force publique. Le 17 juin, l’ensemble du Rwanda et du Burundi était occupé par la Force publique congolaise.

D’un autre côté, je comprends le sens de leur dénigrement quand je vois la situation générale de mon pays. Pour un burundais, la RDC c’est la ville d’Uvira qui est frontalière de Bujumbura. L’image que cette ville offre est désolante ! En réalité c’est un grand village où toutes les routes sont défoncées. L’Union européenne avait financé la réhabilitation des routes qui relient le Rwanda, le Burundi et la RDC. Du côté rwandais et burundais tout a été fait sans problème et les routes sont impeccables. Du côté congolais, on a commencé à poser des conditions bêtes à l’Union européenne, au final rien n’a été fait jusque maintenant. Par la qualité de chaussée, tu sauras déjà que tu es en RDC. C’est-à-dire là où tout est en mauvais état, c’est en RDC.

Aussi quand tu visites des villes comme Addis Abeba, tu sais mesurer à l’œil nu le progrès d’un Etat. Et pourtant le pays est aussi en guerre comme la RDC.  Un aéroport moderne, des routes modernes, l’ordre dans la circulation, des hôtels 5 étoiles dans des quartiers équivalents à Kingasani. Quand tu viens à Kinshasa, la ville devient invivable avec des embouteillages betes partout. Ce qui est étonnant, aucune autorité semble s’intéresser sérieusement au phénomène d’embouteillage. Et pourtant de toute évidence, les embouteillages dans une ville comme Kinshasa causent des manques à gagner importants au Produit intérieur brut du pays.

Moi, personnellement, comme intellectuel congolais, au lieu de me limiter seulement à critiquer, j’avais aussi fait des propositions concrètes pour régler le problème d’embouteillage. Mais personne ne m’a suivi. Un pays qui ne fait plus confiance à ses meilleurs scientifiques est un pays qui ne va plus avancer. On est aujourd’hui dans l’économie du savoir et de la connaissance.

Alors, je commence vraiment à m’interroger si les gens qui pensent que la RDC est envoutée n’ont pas raison. Des problèmes publics simples n’arrivent pas à être réglés.

Malheureusement, nous en sommes encore à pérorer sur l’agression du Rwanda au lieu de nous organiser à répondre de la manière la plus adéquate à nos différents problèmes publics. On a affaire à des alarmistes en mal de sensation dans tous les sens.

Il faut en définitive instaurer un système politique avec des gens qu’il faut à la place qu’il faut à tous les niveaux de responsabilités. Comme je dis souvent, des hommes qui allient le savoir et le savoir-faire au savoir-être. Et pour cela, il faut une révolution culturelle et mentale à mettre en œuvre.

Dede Watchiba, Professeur d’universités, chercheur et analyste politique